Publiée en mars dans la revue Biological Psychiatry, cette étude établit un lien entre une exposition (même faible) à un air pollué pendant la grossesse et des altérations cérébrales chez les jeunes enfants. La recherche a été menée par l’institut de santé Global de Barcelone (ISGlobal) et par le Centre médical de l’université Erasmus de Rotterdam.
Les travaux ont porté sur 783 enfants nés aux Pays-Bas entre 2002 et 2006. Les chercheurs ont d’abord mesuré leur niveau d’exposition à la pollution de l’air au domicile de la mère pendant la période prénatale, en s’intéressant particulièrement aux particules fines PM2,5 (de taille inférieure à 2,5 micromètres) et au dioxyde d’azote (NO2) émis principalement par le trafic routier.
Ils ont ensuite observé, par imagerie à résonance magnétique, le développement de leur cerveau entre l’âge de 6 et 10 ans. Ils ont enfin soumis ces enfants à des tests cognitifs.
Leurs constats font froid dans le dos. « Les enfants exposés aux niveaux de particules fines les plus élevés pendant la période fœtale ont le cortex plus fin dans plusieurs régions du cerveau de chaque hémisphère », écrivent les auteurs. Ils ont ainsi mis en évidence que pour chaque augmentation de particules fines de 5 microgrammes par mètre cube (µg/m3), le cortex cérébral de la région du précuneus (une circonvolution du lobe pariétal) dans l’hémisphère droit, ou celui de la région du lobe frontal, était plus fin de 0,045 millimètre.
Les résultats des tests cognitifs pratiqués sur chaque enfant confirment les observations cliniques. « Une exposition aux particules fines durant la période fœtale est associée à un nombre plus élevé d’erreurs » de ce que les auteurs appellent le « contrôle inhibiteur », à savoir des troubles des fonctions exécutives qui permettent d’accomplir et de se concentrer sur des tâches complexes.
Or, les troubles du contrôle inhibiteur, que les auteurs définissent aussi comme la capacité au contrôle de soi, sont associés à des comportements addictifs, à des déficits de l’attention ou à l’hyperactivité.
« Ces retards cognitifs observés dans les premières années de l’enfant pourraient avoir des conséquences significatives à long terme, alerte l’auteure principale de l’étude, Monica Guxens, de l’ISGlobal. Il y a des risques accrus de problèmes de santé mentale et de moins bonnes performances scolaires. »
Une hypothèse qui mérite d’être creusée !
Pour Rémy Slama, épidémiologiste environnemental à l’Inserm, cette étude formule « une hypothèse qui mérite d’être creusée ». « C’est un champ émergent, estime ce spécialiste de l’effet sanitaire des expositions précoces aux polluants car contrairement aux conséquences respiratoires ou cardio-vasculaires, il manque encore un niveau de preuve élevé concernant les effets de la pollution de l’air sur le neuro-développement. » Jusqu’à présent, plusieurs publications américaines s’étaient attachées à démontrer le lien entre la pollution de l’air d’origine automobile et le développement de l’autisme.
L’étude confirme aussi que la pollution atmosphérique a un impact sanitaire même quand les normes sont respectées. C’est ce qui la rend encore plus inquiétante !
Ainsi, la majorité des femmes suivies durant leur grossesse n’ont pas été exposées à des concentrations supérieures aux valeurs limites européennes en termes de dioxyde d’azote (40 µg/m3 par an), et seules 0,5 % ont respiré un air qui dépassait le plafond fixé par l’Union européenne pour les PM2,5, à savoir 25 µg/m3 par an. La quasi-totalité était « seulement » exposée à une moyenne de 20,2 µg/m3. Cela fait dire aux auteurs que les normes européennes actuelles ne sont pas sûres !
Pour rappel, l’Organisation mondiale de la santé recommande de ne pas respirer plus de 10 µg/m3 de particules fines par an !